Mon ami Bastien de S. disait toujours combien il lui semblait précieux d'avoir une particule. "La particule, se plaisait-il à répéter, est le pommeau d'or sur la canne blanche de la vie." Il voyait dans ces deux lettres la matérialisation des énormes et métaphoriques couilles qui lui servaient de piédestal et d'où il jugeait l'innombrable foule de ses semblables. Il les préférait de loin aux prénoms composés, très marqués "bonne volonté culturelle" selon lui, artéfacts d'une classe envieuse jamais à la hauteur de ses ambitions et incapable de sacrifier son bien-être matériel à l'acquisition d'un certificat symbolique de noblesse, cette classe qui "aimerait relever la tête mais est invariablement trahie par l'un peu de fange qui lui reste derrière les oreilles". Car il aimait parler ainsi. Son entrée à l'Académie Française à l'âge de vingt-et-un ans ne surprit guère que les cuistres et les fats, et l'hétaïre qui l'accompagnait en tout lieu, élevée elle aussi dans l'indifférence glaciale et l'extrême raffinement comme dans une vierge de fer damasquinée, faisait montre, en dépit d'une tendance regrettable à offrir à son public de plaintifs et lancinants borborygmes, d'un fort joli cul. Bastien l'appelait son "rivage combaluzien", ce qui ne manquait pas de provoquer un concert de graillons rieurs dans l'assistance au sang bleu et aux caillots denses et lisses comme des corindons du Badakhchan.
Bastien et moi sommes fâchés pour de multiples raisons, mais la principale.
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